En 1550, une île mystérieuse apparaît sur les cartes fort opportunément pour servir de refuge aux hommes de la flibuste.
Jusqu’au dernier quart du XVIIe siècle, il n’existe pas de documents mentionnant un quelconque débarquement sur l’île del Coco.
Il faut attendre la fin du XVIIe pour qu’enfin des hommes attachent une importance certaine aux Cocos. Et quels hommes ! Les flibustiers de la « Mer du Nord », mer des Caraïbes à présent.
L’île del Coco fut fréquentée par des pirates et des flibustiers à partir du XVIe siècle. Après avoir pillé Panama, Henry Morgan y aurait caché ses richesses, William Dampier, pirate anglais, serait allé sur l’île vers 1683. John Eaton et Lionel Wafer, le chirurgien - boucanier, auraient fait de même. Y ont-ils enterré leur butin ? Un flibustier fameux, le capitaine Edward Davis, connu pour sa bravoure et son humanité, y dissimula le produit de ses prises. Plus tard, après avoir pris et pillé Guayaquil, en Équateur, il revint avec une cargaison d’or et de bijoux évaluée à plusieurs millions de dollars.
Un autre capitaine célèbre, Bennet Graham, plus connu sous le nom de Benito Bonito, aurait enterré sur l’île, vers 1812, le fruit de ses pirateries. Avant d’être lui-même capturé par trois vaisseaux de guerre anglais dans la baie de Buenaventura, en Colombie, il avait eu le temps de mettre à l’abri, sur l’île, une fortune de 250 millions de nos francs. Il fut déporté en Tasmanie avec son équipage. Son trésor serait caché dans une grotte près de la baie de Wafer ; on y accèderait par une galerie. Peu avant d’être pris, il aurait remis à Mary sa maîtresse un plan précisant l’emplacement de ce trésor. Quelques années plus tard, elle revint sur l’île. Hélas ! elle ne trouva rien : certains des repères avaient disparu.
 
Le trésor le plus convoité
Mais le plus célèbre, le plus important et, sans doute, le plus authentique, et le plus convoité des trésors de l’île del Coco, est le trésor du Pérou – dit Trésor de Lima – apporté par le capitaine Thompson.
Le Pérou voulait son indépendance et la guerre civile, en 1820, faisait rage aux abords de la capitale. L’armée du général San Martin était sur le point d’attaquer Lima, et les troupes du vice-roi d’Espagne se faisaient d’autant moins d’illusions sur l’issue de la bataille que les marins de Lord Cochrane s’apprêtaient à débarquer à Callao, port de la capitale péruvienne.
Le clergé et les riches bourgeois de Lima frétèrent le bateau du capitaine écossais Thompson, le Mary Dear, avec mission de les amener en Espagne. Ils embarquèrent avec eux les richesses incalculables des églises et de la cathédrale, les objets précieux, l’or et les bijoux des particuliers. Le Mary Dear leva l’ancre… non vers le Cap Horn, mais vers l’Amérique centrale. L’équipage, grisé par la cargaison fabuleuse, s’était mutiné. Pour ne pas être tué par ses marins, Thompson était devenu – accidentellement – un pirate.
Les passagers furent massacrés et balancés par-dessus bord. L’océan rejeta des cadavres jusqu’à la côte, révélant le crime de Thompson. La piraterie était punie de mort. Où aller ? Où se réfugier ? Comme ses prédécesseurs, Thompson mit le cap sur El Coco.
En 1929, un Français, le capitaine Tony Mangel, accosta avec son voilier, le Perhaps I. Il venait de prendre connaissance à Sydney, d’une part, de documents ayant appartenu à Thompson et qui avaient été légués, par un survivant de l’équipée du grand corsaire, à un dénommé Fitzgerald, et d’autre part, d’un texte de provenance inconnue, qui disait : « débarquer baie de l’Espérance entre deux îlots, par fond de dix yards. Marcher le long du ruisseau trois cent cinquante pas puis obliquer nord nord-est huit cent cinquante yards, pic, soleil couchant pic dessine ombre d’un aigle, ailes déployées. À la limite ombre et soleil grotte marquée d’une croix. Là est le trésor. »
Quant à la lettre de Fitzgerald, conservée au Nautical Club de Sydney, elle donne comme autre indication : « À deux encablures, au sud de la dernière aiguade sur trois pointes. La grotte est celle qui se trouve sous la deuxième pointe. » Trois marins, Christie, Ned et Anton ont tenté d’y pénétrer. Aucun n’en est revenu. Ned, à la quatrième plongée a trouvé l’entrée à 12 brasses ; à la cinquième plongée, il n’est pas remonté.
Trouvé au musée de Caracas par Tony Mangel, l’inventaire du trésor de Thompson mérite vraiment d’être transcrit. Le voici :
« Nous avons mis par 4 pieds dans la terre rouge :
1 caisse : garnitures de drap d’or, ciboires, encensoirs, calices, comprenant 1244 pièces ;
1 caisse : 2 reliquaires en or pesant 120 livres, avec 654 topazes, cornalines et émeraudes, 12 diamants ;
1 caisse : 3 reliquaires coulés pesant 160 livres, avec 860 rubis et pierres, 19 diamants ;
1 caisse : 4000 doublons d’Espagne, 5000 couronnes du Mexique, 124 épées, 64 dagues, 120 baudriers, 28 rondaches ;
1 caisse : 8 coffrets cèdre et argent, avec 3840 pierres taillées, anneaux et patènes et 4265 pierres brutes.
À 28 pieds nord-ouest, à 8 pieds dans le sable :
7 caisses : avec 22 candélabres or et argent, pesants 250 livres, avec 164 rubis par pied.
À 12 brasses par ouest, à 10 pieds dans la terre rouge : la Vierge de 2 mètres en or, avec l’Enfant Jésus, avec sa couronne et son pectoral de 780 livres, enroulée dans sa chasuble d’or, avec dessus 1684 pierres dont 3 émeraudes de 4 pouces au pectoral et 6 topazes de 6 pouces à la couronne ; les 7 croix en diamant. »

De quoi faire rêver, non ? Mais où est-il, ce fabuleux trésor ? Dans quelle crique ? Dans quelle grotte ? Dans quelle crevasse ? Des dizaines de navigateurs solitaires et d’aventuriers se sont posé la question et ont tenté de la résoudre. Des expéditions colossales ont été mises sur pied, telle celle du commandant anglais Shrapnel qui, en 1896, débarqua sur l’île avec les trois cent marins de son bateau de guerre, le Haughty.
Des millions ont été dépensés par ces chercheurs. Certains restèrent sur l’île quelques jours, d’autres quelques mois, d’autres encore, comme l’Allemand Gissler, quelques années.
Rien n’arrêta les aventuriers : ni les naufrages, ni les accidents, ni les noyades, ni les drames. Tous ont creusé, plongé, dynamité. Tous possédaient le plan « authentique », le seul valable, le bon... acheté à Vancouver ou à Melbourne… celui dressé par Thompson lui-même… et très probablement fabriqué de toutes pièces par des escrocs. Tous y croyaient.